Dans l'esprit de chacun, le berger allemand est cette grosse bête noire et jaune patrouillant dans le jardin d'un pavillon. On se le représente aussi dans la suite des policiers, des militaires. Bref il est toujours là où règne l'ordre, perpétuellement au garde-à-vous. Est-ce un hasard ? Dans son livre sur l'origine du chien, sur son comportement, et sur sa relation à l'homme, Der hund. Abstammung-Verhalten-Mensch und Hund, Erich Zimen, spécialiste allemand du loup et du chien, s'emploie à expliquer le rôle et la symbolique particulière du berger allemand. Exquise genèse. C'est dans l'Allemagne de la fin du XIXeme siècle que furent jetées les bases d'une vision nouvelle du chien, à la lumière de la conception naissante d'un homme souverain et supérieur avec pour critères ceux de la bourgeoisie nationaliste de l'époque : Le chien dût être aussi agressif vis à vis de l'extérieur que fidèle à l'intérieur. C'est dans ce contexte, que le capitaine Von Stephanitz, un plaisant représentant de la pensée conservatrice, décida d’abandonner à 33 ans une carrière militaire prometteuse pour se consacrer à l'ambition de sa vie : créer une nouvelle race nationale. La recette exacte du berger allemand est inconnue. On sait seulement que pour le fabriquer Stephanitz mélangea toutes sortes de chiens de berger vivant en Allemagne, et uniquement en Allemagne et que grâce à une habile sélection, il obtint cette merveille : le Berger Allemand.
Il
fonda en 1899 l'Association des éleveurs du Berger Allemand (Verein
für Deutsche Schäferhunde)
dont l'idéologie de pureté de la race et de nationalisme allemand
étaient caractéristiques de cette époque. Cette association déclarait
d'ailleurs être de pure sensibilité aryenne.
Un chien vert-de-gris. Zimen
avance cette question : "Qui s'étonnera dans un tel contexte idéologique
que les commandants supérieurs de l'armée allemande de la Première Guerre
mondiale - Ludendorff et Hindenburg - puis Hitler et Himmler lors de
la Seconde Guerre Mondiale aient eu des Bergers allemands?" Von Stephanitz
et ses disciples ne se contentèrent pas de satisfaire la demande, en
"chiens d'origine allemande exprimant clairement leur instinct du combat,
ils furent aussi les précurseurs intellectuels d'une opinion nationaliste
qui par deux fois se solda par une catastrophe" conclut Zimen. Les cynophiles du monde entier ont fêté à leur façon en 1999 le macabre centenaire de ce chien policier d'élite et continuent à vouer un culte délirant à Von Stephanitz, ce visionnaire si formidable. |